Les velléités de régulation du marché des cryptos des uns et des autres, aux Etats-Unis, en Corée du Sud, en France ou en Chine, vont toutes dans le même sens : exclure le petit peuple de la phénoménale redistribution de richesses que constitue l'essor des crypto-monnaies.
C'est déjà le cas aux US, où les particuliers ne peuvent pas investir dans la plupart des ICO (levées de fonds en crypto-monnaie réalisées sur Internet), marché très risqué mais également extrêmement juteux, dont l'accès est désormais réservé aux investisseurs agréés.
Les gouvernements veulent faire rentrer les cryptos dans le système. Contrôler leur développement pour soit disant rendre leur marché plus stable. Et surtout éviter qu'elles ne déstabilisent l'économie. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Il faut maintenir l'ordre et les privilèges établis, et permettre aux riches de continuer à spéculer confortablement entre riches, avec les liquidités déversées par les banques centrales sur les marchés financiers - à hauteur de 200 milliards d'euros par mois, c'est pas des conneries. Bien sûr, on évoque les risques accentués d'évasion fiscale, de blanchiment d'argent, et de financement du terrorisme pour se justifier.
A ce titre, croyez bien que le dollar ou l'euro, les circuits d'optimisation en tout genre, et les paradis fiscaux sont bien plus efficaces que le bitcoin pour faire de l'évasion fiscale. Quand à la finalité du blanchiment d'argent, elle est bien de blanchir des dollars et des euros, pas des cryptos. Si les mafias s'étaient ruées sur les plateformes de change pour acheter du bitcoin, comme s'apprêtent à le faire les fonds spéculatifs (une autre mafia, propre sur elle, celle là), il pèserait déjà plus de 100 000 dollars. Enfin, les terroristes ont besoin de liquidités, et tenter de les récupérer en vendant des actifs en cryptos est un peu compliqué, voire mal assuré, sans parler des plafonds de cash out imposés par les plateformes de change, ou de la règle du Know Your Customer (KYC) à laquelle elles sont soumises, qui leur impose de vérifier l'identité de leurs clients.
Non, la vraie préoccupation des gouvernements est ailleurs. D'abord, les cryptos se développent complètement en dehors du système. Et si elles créent de la richesse, ou de la valeur, c'est de la richesse et de la valeur créées en dehors du système, qui ne lui profitent pas directement. D'une certaine manière, c'est ce que fait déjà la finance internationale. Elle crée de la richesse qui ne profite pas à l'économie, c'est à dire au plus grand nombre. Mais contrairement aux cryptos, cela fait partie du système.
C'est même devenu le cœur du système, et croyez bien que tout sera fait pour qu'il en soit ainsi le plus longtemps possible. Manquerait plus que les pauvres puissent s'enrichir eux aussi. Vous imaginez ? 7 milliards de riches sur la Terre en 2040 ? Des millionnaires à tous les coins de rue ? Notre planète, dont une minorité a déjà bien épuisé les ressources, ne suffirait plus à fournir la contrepartie de toute cette richesse, qui du coup n'en serait plus une, ou pour le moins ne constituerait plus un privilège.
Si l'on veut aller plus loin, une société d'abondance pour tout le monde (utopie que l'on a depuis longtemps délaissée) ne serait possible qu'en remettant radicalement en cause le système politique et économique actuel. Il faudrait plonger des pans entiers de l'économie mondiale dans la décroissance, et tabler sur le développement de nouveaux modèles économiques plus dynamiques, autonomes, distribués, décentralisés et durables.
Une telle transition ne se fera certainement pas sans douleur. Mais elle se fera, dussions-nous en passer par ce que certains qualifient de "grand effondrement". Le système politique, monétaire et financier international est en train de vivre sa révolution peer-to-peer, comme l'industrie musicale l'a vécue il y a quinze ans. A l'époque, d'aucuns voulaient éradiquer le MP3, comme on s'imagine pouvoir éradiquer les cryptos aujourd'hui, ou contrôler leur développement. Mais c'est pure illusion. La première plateforme d'échange de cryptos en peer-to-peer planquée sur le réseau crypté Tor n'a pas encore vu le jour (du moins à ma connaissance). Mais il ne faudrait que quelques jours pour la coder.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire